En cette fin d’année dernière, il y a quelques jours à peine, j’ai ressenti l’urgence d’écrire un billet sur la vie, le courage et la liberté dans notre bonne vieille France, sans doute car le passage symbolique  de 2014 à 2015 en ces temps économiquement si difficiles, et si troublés moralement et humainement, me paraissait revêtir une gravité et une importance différentes des autres années, pour nos familles, nos amis, nos collaborateurs, nos clients et nos partenaires.
Qu’est ce qui en faisait priorité : le paradoxe constant  et vécu au quotidien durant ces derniers mois, entre les moments d’hilarité et d’horreur, selon le mot de Mallarmé, devant tous ces événements publics et politiques qui avaient jalonné l’année passée et les précédentes, et dont la médiocrité et l’accumulation ne me laissait présager rien de bon pour celle à venir.

Sauf peut-être, l’espoir, ténu et fragile qui m’est venu au soir du 31 décembre dernier, d’un lendemain meilleur pour tous, d’une part, parce que je suis une irréductible optimiste, et d’autre part, parce qu’il y a tout de même aussi cet appétit de la vie, ce courage et cet engagement, cette passion, voire cette arrogance dans les yeux et les discours de certains que je croise tout au long de mes pérégrinations privées et professionnelles, comme un défi à une existence fièrement brûlée par les deux bouts dans leur volonté de faire bouger les lignes, soit l’inverse absolu d’un cliché et du conservatisme ambiant .

Pour porter ces convictions et ces projets, il faut un don inné pour la défiance et la bravoure,  envers et souvent contre beaucoup. Mais il faut avant tout une grande liberté d’être et de penser.

Cette liberté de ton, qui n’a rien à voir avec la chienlit, mais qui est devenue petit à petit, années après années, profondément impossible, voire interdite aujourd’hui. Autant de clichés qu’il faut reconsidérer d’urgence pour réapprendre le courage, l’insurrection, l’irrévérence et le rire, la fierté aussi, surtout quand elle est rieuse dans un monde qui nous demande de baisser la garde et de renoncer à peu près à tout, via une lobotomisation sournoise, au nom, paradoxe ultime, du maintien de l’ordre moral et de l’intégrité des corps et des esprits. Parfois jusqu’à la mort.

Au frontispice du site de notre cabinet de communication et d’affaires publiques, on peut lire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire » que j’ai peut-être abusivement mais volontairement attribué à Voltaire, tant son influence fut déterminante pour les Lumières, par son courage, sa liberté d’esprit et de ton, et le caractère pour le moins peu conventionnel de ses méthodes. J’ai souhaité que l’exercice de notre métier chez FairValue  Corporate & Public Affairs qui consiste à valoriser et à défendre les intérêts d’organisations et d’entreprises, tant auprès des médias que des autorités, s’inspire de cet adage, car j’ai toujours eu l’intime conviction que l’on ne peut le pratiquer autrement que par une totale et absolue objectivité, par la confrontation des idées et leur libre expression. D’aucun prétendront qu’il s’agissait alors d’autres temps, d’autres mœurs, et que nous ne sommes plus au siècle des Lumières où la connaissance combattait l’obscurantisme et l’intolérance.

La tragédie qui s’est produite hier et qui a frappé avec la violence de la sanction céleste, ou prétendument telle, des journalistes caricaturistes de Charlie Hebdo et des policiers dans l’exercice de leur fonction est hélas la parfaite démonstration de l’actualité absolue de cette citation. Ces dessinateurs, au-delà de leur fronde permanente et de quelques partis pris sans doute excessifs, avaient développé un fort penchant pour leurs prochains, et avec un talent et un courage que tutoyait la rudesse, ils s’évertuaient à les éclairer par la dérision et le sourire. Une chose est certaine : il s’agissait d’hommes libres, de cette liberté qui fait le sel de la terre et le ferment des peuples qui y vivent.

On appelle cela la Démocratie.