L’identité européenne, idiotisme vaste et peu structuré, pourrait être définie comme un corpus de valeurs partagées par l’ensemble d’une collectivité humaine. Mais force est de reconnaître que depuis plus de vingt ans, la notion d’identité européenne a varié d’un groupe socio-culturel à un autre, et que les identités nationales (voire régionales) ont trop longtemps occulté les autres formes identitaires (religieuses, locales, etc…) qui aujourd’hui rejaillissent comme une source trop longtemps ignorée. Or cette identité est capitale pour l’avenir de l’Europe, en termes de dynamique entre les européens mais aussi pour les peuples qui viennent les rejoindre, contraints et forcés.

Si les valeurs propres à chacune des communautés ont généré un patriotisme, une émotion qui s’exprime dans des fêtes ou des manifestations, les valeurs partagées sont mal reconnues. Elles devaient être créatrices de liens, d’éthique politique, de citoyenneté, et d’éducation commune.

Dès lors, l’identité européenne a-t-elle un rapport avec l’expérimentation technique et scientifique ? Est-elle de l’ordre de la gestion des gouvernements et des entreprises ? Est-elle d’un autre ordre ?

 

Trois réflexions s’imposent :

> La première est que cette identité européenne n’existe pas aujourd’hui en tant que telle, et qu’en tous cas elle n’est nullement adoptée ni par les citoyens, ni par les communautés économiques. L’identité européenne a été définie au XIXème siècle comme l’expression d’une civilisation ultime, supérieure, ou bien comme une civilisation égale aux autres, mais particulière.

Particulière en quoi ? Par sa capacité de tolérance (qui ne veut pas dire indulgence) à accueillir, intégrer et assimiler des cultures et des peuples différents, la rendant ainsi plus riche d’une somme de connaissances partagées. Mais elle a été également assimilée à la capacité  des peuples européens à moderniser et il serait grand temps d’en prendre acte.

En fait, l’Identité européenne est une réalité de faible intensité affective, et de forte complexité conceptuelle parce que l’espace public européen n’existe pas suffisamment pour que les citoyens européens puissent mettre en scène leur volonté et leur capacité à vivre ensemble.

 

> La seconde est le besoin d’identité commune. La création continue des institutions européennes d’intégration a incité un discours identitaire,  pour le porter sans grand résultat jusqu’à présent, il faut bien en convenir.

 

> La troisième souligne une Identité européenne qui se construit volontairement par un mouvement citoyen, basé sur l’épanouissement individuel et collectif.

Le développement des matérialismes économiques et financiers qui règnent désormais, a généré la société décérébrée, inculte et ignorante dans laquelle nous évoluons, avec le niveau d’inconscience politique et la perte de responsabilité collective et sociétale qui en résultent.

 

Il n’existe pas de recette miracle, et s’il est clair qu’une idée d’euronationalisme semble dépassée, l’Europe et ses différents Etats membres doivent se construire autour d’un modèle qui ne se battra pas « contre » mais « avec » les autres parties du monde.

Toutefois ce nouveau modèle ne pourra perdurer que si on lui agrège un élément vital : les Humanités, dont l’Histoire et ses auteurs, ne sont pas la moindre de leurs composants, pour se souvenir, apprendre, et inventer, comme l’a rappelé le Pape argentin en exhortant les Européens, et particulièrement leurs dirigeants, à revenir aux sources du projet européen, et à oser un changement radical de modèle, particulièrement économique.

 

Et si l’on remettait les Humanités au centre de la réflexion européenne, avec leur influence fatale et salvatrice sur la liberté de l’esprit ? Ce facteur de rétablissement et de renforcement de l’indépendance intellectuelle, et de la capacité des consciences est en effet crucial dans le développement de la compétitivité et de la croissance des entreprises et des nations. Car la culture ne permet pas seulement de se forger une opinion qui soit personnelle sur les arts, ou sur tout autre sujet de réflexion, qu’il soit d’ordre scientifique, ethnique, sociologique, ou bien encore économique, mais, nourrie à l’aune d’un spectre d’informations et de perspectives considérablement élargi, elle permet alors une nouvelle responsabilisation, et mobilisation de la société.

C’est peut-être là que se retrouvera le nouvel humanisme européen.